Ce qu'il faut retenir :
01
La procédure d’expulsion ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et à la suite d’un commandement d’avoir à libérer les lieux ouvrant à l’occupant un délai de 2 mois à compter de la signification dudit commandement.
02
La trêve hivernale s’impose en la matière, aucune expulsion de locaux d’habitation ne
peut avoir lieu entre le 1er novembre et le 31 mars de l’année suivante, sauf exceptions.
03
L’Etat a 2 mois pour accorder son concours ou le refuser, sous peine d’engager sa
responsabilité et donc d’avoir à indemniser le propriétaire du local objet de l’expulsion.
Si tout le monde a déjà entendu parler de l’expulsion, peu veulent la connaître. En effet, l’expulsion est une procédure en principe menée par un Commissaire de justice aux fins de libérer des locaux d’un occupant sans droit ni titre, ou tout du moins ayant perdu tout droit à se maintenir dans les lieux.
Conformément à l’article L. 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution : « Sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux ». Ainsi, il apparait qu’il importe que l’expulsion ait été ordonnée au préalable par le Tribunal judiciaire – juge du fond, juge des contentieux de la protection, juge de l’exécution ou juge aux affaires familiales –, le Tribunal paritaire des baux ruraux, le Tribunal administratif ou le président du Tribunal de commerce, ou qu’elle résulte d’un accord entre les parties elles-mêmes. Donc une telle procédure ne peut pas reposer sur l’ensemble des titres exécutoires.
Également, l’ensemble des locaux d’habitation principale, commerciaux, professionnels et mixtes sont concernés par la procédure d’expulsion. Ainsi, il est possible d’expulser une personne d’une péniche amarrée au même endroit depuis des années si elle est aménagée pour l’habitation, une caravane installée sur un terrain privé, ou encore une personne installée dans un local public.
S’agissant des personnes susceptibles de faire l’objet d’une procédure d’expulsion, il convient de souligner que le titre exécutoire doit expressément les mentionner. En effet pour des époux locataire par exemple, le principe est celui de la cotitularité du bail, donc le bail est réputé appartenir à l’un et l’autre des époux. Ainsi, si une procédure d’expulsion doit être mise en œuvre, celle-ci doit l’être à l’encontre de chacun des époux, sauf si le bailleur n’avait pas connaissance du mariage. A noter que cette précision est également applicable pour les couples pacsés, mais non pas pour les concubins.
Généralités
En amont de toute expulsion, il convient de faire signifier par Commissaire de justice à l’occupant un commandement d’avoir à libérer les locaux répondant aux conditions des articles R. 411-1, R. 411-2, R. 411-3 et R. 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution. A ce titre, l’article L. 412-1 prévoit que ledit commandement fait partir un délai de 2 mois pendant lequel, aucune mesure d’expulsion ne pourra intervenir. Ainsi par exemple, si le commandement est signifié le 1er janvier 2021, l’expulsion ne pourra être opérée que le 2 mars 2021. A cela, d’autres délais peuvent en principe s’ajouter, notamment le sursis hivernal au regard duquel aucune expulsion ne peut avoir lieu entre le 1er novembre et le 31 mars de l’année suivante, ainsi que le délai supplémentaire pouvant être accordé par les juges. En revanche, il est à noter que ces différents délais ne sont pas à applicables dans certaines situations, notamment lorsque l’occupant est entré par voie de fait dans le local, ou lorsqu’il s’agit du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin violent visé par une ordonnance de protection.
A la suite du commandement d’avoir à libérer les locaux, ainsi que des délais éventuellement accordés, le Commissaire de justice doit procéder à une tentative d’expulsion. Ainsi, il lui appartient de procéder à différentes diligences pour tenter de faire partir l’occupant. En revanche ici, le professionnel est seul puisque la présence de témoins ou des personnes prévues par l’article L. 142-1.
Si la tentative d’expulsion reste infructueuse, le Commissaire de justice devra alors requérir le concours de la force publique. A préciser ici que l’Etat engage sa responsabilité s’il refuse, sans motif légitime, de prêter son concours, ou s’il ne répond pas à la demande sous 2 mois.
Actualités (Mise à jour 2023)
Très récemment, la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, entrée en vigueur le 29 juillet 2023, est venue modifier l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose dès lors en son premier alinéa : « Tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux ». Dès lors, tous les baux d’habitation signés à partir du 29 juillet 2023 doivent contenir une clause résolutoire prévoyant que le délai accordé au locataire pour payer sa dette, suite à la signification d’un commandement de payer, est de 6 semaines et non plus de 2 mois. Ici apparait la volonté du législateur de permettre au propriétaire des lieux
d’engager une procédure d’expulsion au plus vite.
Par ailleurs, s’agissant de la signification en matière d’expulsion, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a récemment affirmé, dans un arrêt du 23 juin 2016 (n° 15-21.408), que : « Le commandement d’avoir à libérer les lieux, qui doit être signifié, en application de l’article R. 411-1, à la personne dont l’expulsion a été ordonnée, n’a pas à l’être à l’occupant de son chef ». Par conséquent, en dépit qu’il soit habituel que la décision qui ordonne l’expulsion précise que l’expulsion est ordonnée à l’encontre de la personne qui a été assignée mais aussi à l’encontre de tout occupant de son chef, selon la formule consacrée, afin de permettre la libération complète des lieux, même lorsqu’il apparaît que ceux-ci sont occupés par d’autres personnes que le preneur, comme ce peut être le cas lorsque le preneur accueille des membres de sa famille ou des amis ou a quitté les lieux sans résilier le bail mais en installant quelqu’un à sa place, le commandement de quitter ne doit être signifié qu’à l’expulsé.
Cette décision tient son sens que le propriétaire, qui n’est souvent pas en mesure de connaitre l’identité des personnes, autres que le preneur, qui se trouvent dans les lieux, ne peut se voir imposer une telle difficulté.