Le président de la Chambre nationale des huissiers de justice le disait lui-même en 2015 : « Les huissiers de justice ont particulièrement fait la preuve de leur capacité d’innovation et de leur adaptation à la nouvelle ère digitale. La profession a pris conscience de la nécessité de « basculer » dans la dématérialisation, car le risque serait autrement de ne pas prendre ce virage et d’être marginalisés. Autour de nous, la révolution digitale est en marche, nous devons en faire partie ». A l’ère du déploiement des techniques numériques telles que l’informatique et le développement du réseau Internet, les atteintes à la propriété intellectuelle, à la vie privée, ou encore à la notoriété sont des plus courantes. Ainsi, un réajustement du droit probatoire en la matière s’est imposé afin de pouvoir répondre à ce contentieux en pleine expansion. Pour ce faire, le constat Internet s’est largement accru et par la même banalisé, mais non pas sans la moindre règlementation. En effet dès 2010, la Commission « Actes authentiques d’huissiers de justice » a adopté la mise en place de la norme élaborée par l’Association française de normalisation ; « AFNOR NF Z67-147 ».
Intérêt et recevabilité du constat Internet
A l’origine bien souvent, les constats Internet dressés par huissier étaient annulés par les tribunaux en ce que rien ne permettait de garantir leur conformité. L’adoption de la norme AFNOR NF Z67-147 en la matière a permis non seulement d’apporter plus de crédibilité aux constats Internet produits en justice, mais également par la même, de stabiliser la recevabilité de ces derniers devant les magistrats. En revanche, il importe de préciser que, n’ayant pas été consacrée par le législateur, le recours à cette norme n’est pas obligatoire, seulement – vivement – recommandé. En effet, la certification d’un constat Internet peut avoir une véritable influence sur le dénouement du procès. A titre illustratif, il a été affirmé en 2017 par le Tribunal de Commerce de Toulouse que : « L’huissier n’a pas mis en œuvre les règles de l’art en matière de preuve informatique permettant de s’assurer de l’impartialité du constat et entache ainsi la force probante de celui-ci ». Ainsi, pour optimiser la recevabilité du constat Internet produit en justice, il convient de se rapprocher au mieux de la norme prévue.
Si différentes personnes peuvent-être habilitées à intervenir en la matière, notamment les experts informatiques, l’Agence de protection des programmes et les huissiers de justice, il est des plus opportuns de recommander l’intervention de ces derniers en ce que la force probante de leurs constats est telle qu’ils font foi, devant les tribunaux, jusqu’à preuve du contraire. Aussi, si le constat Internet a un véritable intérêt probatoire, il n’en reste pas moins qu’il s’agit également d’un moyen dissuasif en ce qu’il peut inciter l’auteur de l’infraction, en dehors de tout litige, à cesser ses agissements fautifs.
La procédure à suivre
Lorsqu’un individu s’estime lésé par le contenu d’un site internet, il convient pour lui de s’adresser à un huissier de justice. A cela, l’huissier doit – même si le respect de la norme AFNOR NF Z67-147 n’est pas une obligation – décrire exhaustivement le poste utilisé, indiquer l’adresse IP, désactiver les proxys et préciser le moyen d’accès au réseau Internet. De la même façon, l’huissier doit en amont de son constat Internet, et conformément à une jurisprudence de la Cour d’appel de Paris, supprimer les mémoires caches, l’historique de navigation, et paramétrer les fichiers temporairement stockés sur l’appareil. Par suite, l’huissier de justice dresse objectivement ses constatations dans un procès-verbal prévu à cet effet. Si nécessaire, l’intervention d’autres experts informatiques peut être requise aux fins d’identifier l’auteur des infractions constatées. Enfin, il importe de préciser que, lorsque le constat porte sur une application mobile, il est préférable pour l’huissier de procéder aux constatations sur le site web correspondant. Le constat sera ensuite remis dans les plus brefs délais au requérant.