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Les règles relatives à l’empiètement

Ce qu'il faut retenir :

01

L’empiètement correspond à une emprise matérielle, donc une occupation sans droit ni titre du fonds voisin.

02

Le législateur a érigé le droit pour chaque propriétaire de clore son fonds afin de limiter les situations d’empiètement.

03

La victime d’un empiètement portant sur un bien immobilier peut user de l’action possessoire et notamment, depuis le 18 février 2015, de l’action en référé en raison du trouble manifestement illicite que génère l’empiètement.

04

L’action tendant à la remise en état des lieux par la suppression d’un empiètement est une action immobilière non soumise à la prescription de 10 ans applicable aux actions personnelles.

S’il est de principe que « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres », impliquant par là qu’il importe à chacun de respecter les droits d’autrui, notamment le droit de jouissance paisible de son bien, il n’en demeure pas moins que l’article 544 du Code civil fait de la propriété un droit absolu en ce qu’il dispose : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

Par principe, les terrains sont délimités. Toutefois, il est des cas dans lesquels une telle délimitation n’est pas faite et dans ce cas, il importe d’intenter une action en bornage aux fins de déterminer la propriété immobilière. Pour cause, dans les faits il n’est pas évident de savoir exactement où les propriétés trouvent leur limite et pourtant, une telle information est essentielle pour éviter toute situation d’empiétement sur la propriété voisine. En effet, l’empiétement correspond à une emprise matérielle, donc une occupation sans droit, du fonds voisin. Ainsi, l’action en bornage permet de se prémunir d’une accusation d’empiétement.

Traditionnellement, les clôtures sont un moyen d’éviter un éventuel empiétement sur son terrain, raison pour laquelle le législateur l’a non seulement érigé en droit – article 647 : « Tout propriétaire peut clore son héritage » –, mais également dans certains cas en obligation – un propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, et les propriétaires d’un terrain affecté à l’habitation dans les villes et faux-bourgs sont obligés de se clore –. Il est vrai, si l’installation de clôtures est un frein à l’empiétement, ce dernier est toujours possible en raison du statut même de la clôture. En effet, une clôture est soit mitoyenne, soit privative. Ainsi, lorsqu’elle est mitoyenne, il est possible pour chacun des propriétaires d’appuyer des constructions sur la partie de son mur. En revanche, tel n’est pas le cas lorsque le mur est privatif, à défaut de quoi une violation du droit de propriété pourra légalement être prononcée. Enfin, à défaut de clôtures, le risque d’empiétement est des plus grands puisque aucune limite matérielle n’empêchera alors un individu de venir envahir, par des constructions ou extensions, la propriété avoisinante.

La procédure à suivre

 
Conformément à l’article 1240 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Ainsi, la responsabilité délictuelle du voisin ne respectant pas la délimitation du droit de propriété peut indéniablement être engagée, soit aux fins de réparation du préjudice subi, soit aux fins de démolition de la construction litigieuse. En effet, si cette seconde sanction n’est pas expressément prévue par les textes, la Cour de cassation a néanmoins affirmé en 2017, au fondement de l’article 545 interdisant les expropriations qui ne sont pas d’utilité publique : « Tout propriétaire est en droit d’obtenir la démolition d’un ouvrage empiétant sur son fonds, sans que son action puisse donner lieu à faute ou à abus ». Ainsi, les juges se montrent peu cléments en cas d’empiétement et ce, même si l’empiétement est minime et n’a occasionné aucune gêne. En revanche, il est à préciser que les conditions de l’usucapion sont un obstacle à toute action pour empiétement puisque dans ce cas, le propriétaire qui déborde pourrait être considéré comme le propriétaire de la parcelle sur laquelle il a empiété.

Pour qu’une sanction soit prononcée, il est vivement recommandé de requérir l’intervention d’un Commissaire de justice afin de lui faire dresser un procès-verbal de constat d’empiétement. En effet, établi par un officier public et ministériel, cet acte fait pleine foi devant les tribunaux, en ce sens que ne peut être contredit ce que le Commissaire de justice dit avoir personnellement constaté. Une fois muni du procès-verbal de constat, le propriétaire lésé peut alors intenter une action devant le Tribunal judiciaire compétent. En revanche, depuis peu la tentative de résolution amiable est prescrite en amont de toute action en justice. Ainsi, ce n’est qu’à défaut de solution amiablement trouvée que le juge pourra alors se prononcer.

Actualités (mise à jour 2024)

Si l’article 1 du Protocole additionnel n°1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose : « l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », il n’en demeure pas moins que la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé, le 21 décembre 2017 (n° 16-25.406) que : « L’auteur de l’empiètement n’est pas fondé à invoquer les dispositions de l’article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l’Homme pour faire constater le disproportion de la démolition au regard du caractère minime de l’empiètement, dès lors que l’ouvrage qu’il a construit méconnait le droit au respect des biens de la victime de l’empiètement, en droit d’obtenir la démolition de cet ouvrage, sans que son action puisse donner lieu à faute ou à abus ». C’est dire à quel point le droit à la propriété est un droit fondamental. A ce titre très récemment, la Cour de cassation a à nouveau écarté l’argument de la disproportion entre l’empiètement et la sanction de démolition en rejetant un pourvoi formé devant elle, dans un arrêt du 9 mars 2023 (n° 21-18.646), et en confirmant ainsi l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar qui décidait de la démolition de la partie d’un immeuble empiétant d’1,12m2 sur le fonds voisin.
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