Ce qu'il faut retenir :
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Le constat d’adultère s’avère de plus en plus abscons en raison du coût qu’il engendre et de la complexité qu’il génère, tant qu’un point de vue matériel que juridique.
Conformément à l’article 242 du Code civil : « Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ». A ce titre, l’article 212 dispose quant à lui : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». Ainsi, la fidélité étant un droit et un devoir des époux, il est possible de demander le divorce aux torts partagés en raison d’un adultère.
Par définition, l’adultère est le fait pour un époux ou une épouse de violer son serment de fidélité, de partage, et d’avoir des relations sexuelles avec une personne autre que son conjoint envers qui il a affirmé ce serment. La Cour de cassation en a une interprétation stricte en ce qu’elle considère depuis 2012 qu’est adultérin le fait d’échanger platoniquement sur des sites de rencontre, soit sans la moindre infidélité physique. Ainsi, il apparait que la notion même d’adultère est en perpétuelle évolution et se modifie corrélativement à la société elle-même. Pour cause à l’origine, l’infidélité était pénalement répréhensible, et pouvait à certains égards entraîner une peine de prison. Elle était d’ailleurs, jusqu’en 1965, une cause automatique de divorce.
Aujourd’hui, seules des dommages et intérêts peuvent être prononcés en raison d’un divorce aux torts exclusifs, mais pour cela, plusieurs conditions énoncées par l’article 242 précité doivent être remplies. En effet dans un premier temps, conformément à l’article 242 précité, il importe que le maintien de la vie commune soit « intolérable », sera alors exclu le prononcé d’un tel divorce si les époux avaient une relation libre. Également, il faut que la faute soit « une violation grave ou renouvelée aux devoirs et obligations du mariage », laquelle violation doit alors être prouvée. Enfin, l’article 244 dispose quant à lui : « La réconciliation des époux intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de divorce ». Ainsi, sauf à ce qu’une autre faute intervienne, la demande en divorce pour faute sera irrecevable en cas de reprise de la vie commune et pardon de l’adultère. Une fois ces conditions remplies, le juge aux affaires familiales prononce en principe l’octroi de dommages et intérêts à titre de dédommagement du préjudice subi. En effet, l’article 266 du Code civil dispose notamment : « Sans préjudice de l’application de l’article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage [..] lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint ». Pour ce faire, il convient de convaincre le juge de l’existence de la faute. Ainsi, si en principe la preuve est libre, le procès-verbal de constat dressé par Commissaire de justice est des plus judiciaire en ce que sa force probante est telle qu’il est accordé pleine foi à ce que l’officier public et ministériel dit avoir personnellement constaté.
La procédure à suivre
Bien que peu commun aujourd’hui, le constat d’adultère reste tout de même faisable lorsque les éléments d’espèce le permettent – souvent trop durs à réunir –. Dans un premier temps, le Commissaire de justice doit être informé du moment et du lieu de l’adultère à venir. Pour se faire, le conjoint suspicieux peut régulièrement avoir requis aux services d’un détective privée. Une fois l’information obtenue, il convient alors de demander par requête une autorisation aux fins d’établissement d’un procès-verbal de constat d’adultère – condition obligatoire en raison de l’atteinte à la vie privée qu’un tel constat engendre –, ainsi qu’au juge des référés une dérogations pour agir aux heures et jours non-réglementaires si besoin – le Commissaire de justice ne pouvant agir avant 6h et après 21h, ni les samedis, dimanches, jours fériés et chômés –. Une fois l’autorisation obtenue, il importe alors à l’officier public et ministériel de se rendre sur les lieux de l’adultère. Une fois sur place, celui-ci prend note de toutes les informations nécessaires – identité des personnes présentes, description du lieu de rendez-vous, les tenues vestimentaires – et ce, le plus objectivement et exhaustivement possible. Une fois dressé, le procès-verbal de constat sera remis dans les plus brefs délais par voie postale ou électronique.
Actualités (mise à jour 2024)
La réforme du divorce intervenue en 2017 et instaurant le divorce extrajudiciaire a eu les effets escomptés puisque si en 2016 les juridictions ont été saisies 581 fois sur la question de l’adultère, force est de constater qu’en 2022 seulement 33 décisions ont été rendues à ce jour.
Pour autant, l’actualité sur cette question reste de rigueur. Pour cause, la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé, le 30 novembre 2022 (n° 21-12.128), qu’une convention signée par les époux, dans laquelle ils s’accordent mutuellement la possibilité d’avoir des aventures extraconjugales, par dérogation à l’article 212 du Code civil, est de nature à retirer à l’adultère le caractère de gravité qui pouvait en faire une cause de divorce. De la même façon, la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé, le 25 janvier 2023 (n° 21-20.616), que : « Une relation adultérine ne peut constituer une faute adultérine ne peut constituer une faute susceptible de justifier que le divorce soit prononcé aux torts partagés des époux ou d’entrainer le divorce aux torts exclusifs de l’époux qui a entretenu cette relation lorsque cette situation avait été librement acceptée par l’autre conjoint ». En effet, en l’espèce le défendeur faisait état de la récurrence des liaisons extraconjugales que la requérante, son épouse, entretenaient. Néanmoins celles-ci étant toujours pardonnées, la Cour a estimé que l’adultère était un fait ancien et accepté, qui ne pouvoir donc permettre de solliciter le divorce aux torts exclusifs de l’épouse fautive. Enfin, s’est posée la question de la relativité de l’adultère. En effet, très récemment un site de rencontres s’adressant aux personnes mariées affichait sur la voie publique des affiches sur lesquelles étaient présents les slogans suivants : « Tromper son mari, ce n’est pas la fin du monde », « Par principe, nous ne proposons pas de carte de fidélité », ou encore « C’est parfois en restant fidèle qu’on se trompe le plus ».
Néanmoins, les magistrats semblent avoir une position claire : si le devoir de fidélité s’impose aux époux en raison de l’article 212 du Code civil, cette faute ne peut être invoquée que par un des époux contre un autre dans le cadre d’une procédure de divorce. En effet, l’obligation de fidélité est une obligation du mariage, ne relevant par conséquent pas de l’ordre public. A ce titre, le jury de déontologie publicitaire avait affirmé, dans une décision de 6 décembre 2013, que : « Ces publicités ne proposent aucune photo qui pourrait être considérée comme indécente, ni d’incitation au mensonge où la duplicité [..], mais utilisent des évocations, des jeux de mots ou des phrases à double sens qui suggèrent la possibilité d’utiliser le service offert par le site, tout un chacun étant libre de se sentir concerné ou pas par cette proposition commerciale [..] ». Ces arguments s’imposent en sus du principe de la liberté d’expression.